L’automédication au sens strict consiste pour un individu à soigner ses maladies grâce à des médicaments autorisés, accessibles sans ordonnance, sûrs et efficaces dans les conditions d’utilisation indiquées, avec le conseil du pharmacien (OMS).
Mais selon une enquête réalisée en 2019 par l’AFIPA, les Français ont une compréhension beaucoup plus étendue de cette pratique englobant notamment la médecine alternative, les dispositifs médicaux et les vitamines.
Cette lecture plus large, ne se limite donc pas aux médicaments de prescription médicale facultative et prend également en compte les compléments alimentaires !
Aujourd’hui, l’automédication reste un sujet très controversé qui suscite beaucoup de questionnements et qui soulève de nombreux débats. Cette manière d’entrevoir sa santé est-elle sans risque ? Une éducation et sensibilisation renforcées autour des problématiques de santé sont-elles primordiales ? Quels sont les rôles et responsabilités des acteurs du monde médical ? Les Français attendent-ils un accompagnement?
Pour répondre à ces interrogations, PepsWork a réuni différents intervenants du milieu de la santé :
- Jacques Chevallet, Vice-Président du SYNADIET, ancien Directeur Général d’ARKOPHARMA et PIERRE FABRE HEALTH CARE
- Luc Besançon, Président de l’AFIPA
- Pierre Beguerie, Président du conseil central de la section officine au sein de l’Ordre des Pharmaciens
- Yazan El Safadi, Directeur Scientifique du laboratoire NUTRI&Co
- Justine Lerond, Co-Gérante du laboratoire NUTRILYS
Qu’est-ce que l’automédication ?
Pour l’AFIPA, l’automédication a une définition très précise.
Même si une grande partie de la population retient cette définition rigoureuse, l’automédication reste nuancée.
Différentes approches
L’automédication du point de vue des consommateurs
L’automédication pour les consommateurs, c’est une action de prendre en main sa santé en utilisant des produits de santé, ce qui suscite une grande diversité de sens selon l’AFIPA.
Pour les consommateurs, l’automédication ne se limite donc pas au sens strict d’utilisation de médicaments. Le SYNADIET nous informe d’ailleurs d’une évolution suite à la crise sanitaire.
Une réelle prise de conscience est aujourd’hui en cours sur le recours aux compléments alimentaires pour s’automédiquer. D’après l’AFIPA, 48 % des consommateurs estiment que les compléments alimentaires font partie de l’automédication.
Nutri&Co précise que cette prise de conscience est surtout présente chez les 25-30 ans.
L’automédication est aussi la recherche d’une information auprès d’un professionnel de santé. Selon les pharmaciens, plus de 50 % des patients qui entrent dans une officine viennent y chercher un conseil et font confiance au pharmacien pour qu’il lui apporte une solution.
Source: AFIPA
L’automédication du point du vue des professionnels de santé
”Il faut faire attention au terme d’automédication qui regroupe deux catégories de produit” dit Yazan El Safadi.
Il distingue en effet d’un côté les médicaments et d’un autre les compléments alimentaires.
Les médicaments sans ordonnance connaissent aujourd’hui un certain rejet, une baisse de la consommation. Les sirops pour la toux, pastilles pour la gorge sont aujourd’hui beaucoup moins populaires alors que la nutraceutique est en pleine expansion.
Pour Nutrilys, l’automédication est une façon pour le patient de trouver une réponse aux maux de santé qu’il présente sans avoir parfois la possibilité ou le besoin de passer par le diagnostic d’un professionnel de santé. Le laboratoire y est favorable. “C’est une superbe occasion de mettre à la portée du client un large spectre de principes actifs” affirme Justine Lerond
Cependant, le laboratoire nuance son propos et souligne qu’il y a dans l’automédication une absence de diagnostic. A ce titre, ils aiment mettre en garde sur la possibilité qu’un principe actif puisse agir en synergie mais aussi en opposition et risque d’aggraver une pathologie.
Pour Pierre Beguerie, les pharmaciens ont un rôle d’accompagnement du patient dans son automédication. “C’est le pharmacien qui fait le choix du produit pour le patient”. Malgré parfois des demandes précises de la part du patient, le pharmacien peut ré-orienter ce dernier vers un autre produit ou lui donner un complément d’informations ou de soins.
Réglementation autour des compléments alimentaires
“Il faut combattre une idée reçue qui est que les compléments alimentaires n’auraient pas de cadre réglementaire” dit Jacques Chevallet
Le SYNADIET affirme qu’il y a un cadre très précis pour les compléments alimentaires à la fois de déclaration de mise sur le marché et en termes d’allégation. Pour les médicaments également : une autorisation de mise sur le marché est nécessaire avec un contrôle de la publicité.
“Le patient peut utiliser des produits dans un cadre tout à fait sécurisé et adapté à chacune de ces catégories de produit qui ont également une définition très claire : nutritionnelle et physiologique pour les compléments alimentaires, curatifs préventifs ou de diagnostic pour les médicaments” soutient Jacques Chevallet.
Pour l’AFIPA, l’impact de la réglementation est majeur dans le secteur de l’automédication. Récemment, on a pu observer des changements de statut de libre accès. Certaines molécules à l’instar du paracétamol, de l’ibuprofène ou de l’aspirine ne peuvent plus être devant le comptoir.
D’autres comme les vasoconstricteurs sont désormais interdites de publicité.
Suite à un re listage, certains médicaments ne peuvent plus être distribué sans ordonnance et nécessitent désormais une prescription, c’est le cas de la codéine.
Derniers chiffres sur le marché de l’automédication
L’AFIPA nous informe que le segment du self care en 2019 représente 3,7 milliards d’euros pour les produits vendus en pharmacie. Les médicaments vendus sans ordonnance représentent 57 % du chiffre d’affaire, les dispositifs médicaux représentant 17 % et les compléments alimentaires 26 %.
Ces derniers mois, de manière générale le marché du self care en pharmacie a diminué de 2,8 % avec des diminutions plus marquées pour les médicaments de l’ordre de 5,2 % des compléments alimentaire de l’ordre de 0,5 % (presque stable) et néanmoins une progression des dispositifs médicaux de 1,6 %.
Place du complément alimentaire dans l’automédication
Médicaments ou compléments alimentaires ?
Le SYNADIET indique qu’il n’y a pas d’opposition naturelle entre le complément alimentaire et le médicament. “Il n’y a pas d’opposition, il y a simplement une complémentarité” affirme Jacques Chevallet. Les rôles et fonctions de ces deux produits sont différents, mais complémentaires. “Il n’y a pas de compétition, c’est une synergie, un complément alimentaire ne remplacera jamais un médicament et vice-versa”complète Justine Lerond.
Les compléments alimentaires : des produits de première intention ?
Pour l’ordre des pharmaciens ça dépend de chaque patient. Pierre Beguerie insiste sur l’importance de la prise en compte de la pathologie et/ou de la douleur exprimée par le patient et de la connaissance du pharmacien sur les produits pour être au plus juste et mieux orienter et conseiller le patient.
La question a été posée aux Français et pour 41 % d’entre eux, le complément alimentaire est un produit de première intention car plus doux et avec peu d’effets secondaires affirme le SYNADIET. Les consommateurs veulent aujourd’hui plus de naturalité. Ils veulent un produit apportant un bénéfice risque plus favorable avec une intensité d’action moindre, mais une sécurité supérieure.
Les compléments alimentaires dans une démarche de prévention santé
L’AFIPA affirme que les compléments alimentaires sont perçus comme un outil important de prévention. Ceci est illustré par les chiffres de vente y compris pendant la période de Covid-19. La demande s’est accentuée sur les catégories pourtant sur l’immunité ou sur le stress et l’anxiété. Les compléments alimentaires font bien partie de l’arsenal des pharmaciens pour prévenir et accompagner d’autres traitements.
Les trois domaines les plus développés sont :
- Transit & troubles digestifs
- Humeur, stress & sommeil
- Immunité & vitalité
Aujourd’hui le marché est beaucoup plus orienté vers des produits santé et parfois aussi plus techniques. Cette tendance de fond a été accélérée par la crise. Cette démarche de prévention santé n’est pas seulement intégrée par les consommateurs, mais aussi par des professionnels de santé. En effet, dans 60 % des cas les consommateurs utilisent des compléments alimentaires sur recommandation d’un professionnel de santé.
Le laboratoire Nutri&Co développe des produits qui vont anticiper la santé de demain. “Chez Nutri&Co, on préfère parler de prévention plutôt que de curation” indique Yazan El Safadi. La nutraceutique est aujourd’hui un moyen qui permet d’adapter notre consommation à notre mode de vie qui évolue très rapidement.
Pour Nutrilys, le complément alimentaire est un soutien à la nutrition et reste essentiel dans la nutriprévention, pour se prémunir de certaines carences ou potentielles défaillances.
L’automédication accompagnée par des professionnels de santé
Les consommateurs veulent plus d’informations
“Les patients veulent être un petit plus, experts” affirme Luc Besançon de l’AFIPA. Pour cela, ils utilisent des sources d’information très diversifiées : médias en ligne, leur entourage et leurs professionnels de santé surtout lors du premier achat. Le SYNADIET indique que les consommateurs souhaitent de plus en plus un accompagnement de la part notamment des médecins, que les compléments alimentaires soient reconnus et intégrés dans une approche de santé, ils veulent être mieux informés. Aujourd’hui, le laboratoire Nutrilys observe une évolution des comportements des consommateurs comme des praticiens qui sont demandeurs d’information et de supports scientifiques.
Une éducation par des professionnels de santé
“L’éducation, pédagogie et transparence du consommateur sont intégrées à l’adn de Nutri&Co” affirme Yazan El Safadi. Le laboratoire s’exprime à différents niveaux. Il a une approche extrêmement vulgarisée et simple de ses produits tout autant qu’une approche plus technique et détaillée dans la partie science. Il développe également différents formats de communication : leurs naturopathes répondent facilement au téléphone pour répondre à toute question, des textes explicatifs sont présents sur le site, des vidéos où ils parlent de leurs produits sont diffusées et ils usent du format illustratif plébiscité par tous : l’infographie qui permet d’expliquer un concept parfois très simple tout en rentrant aussi parfois dans les détails.
Pour Nutrilys, l’éducation du consommateur est fondamentale. “Pour nous, c’est essentiel, pour éviter des erreurs, des complications et pour permettre aux gens d’obtenir les effets escomptés” affirme Justine Lerond. Le laboratoire met en ligne des documents d’informations claires et précises pour le patient et travaille avec un réseau de prescripteurs et de professionnels de santé comme des thérapeutes qui informent et éduquent les patients sur les particularités des principes actifs et leurs interactions. Le laboratoire souhaite une relation étroite avec les thérapeutes pour faire passer les bonnes informations et éviter les amalgames et un mauvais diagnostic sur certaines pathologies.
Quant à lui, le pharmacien est assez bien reconnu par les patients comme une porte d’entrée pour un premier recours. Quand le patient a un problème de santé, il a le réflexe d’aller vers son officine et la crise a intensifié la relation de confiance entre le pharmacien et le patient.
Les perspectives d’évolution de l’automédication
Pour l’AFIPA, l’automédication va de paire avec la croissance du digital qui prend place à la fois dans la communication pour différentes cibles mais aussi dans la définition d’une solution de santé au-delà de la vente d’un produit.
“On est en train de travailler sur le parcours de soin officinal qui est une aide à la dispensation pour des produits à travers des arbres décisionnels qui seront développés par des sociétés savantes et qui permettront de sécuriser et d’assurer une dispensation optimale des médicaments » explique le réprésentant de l’Ordre des Pharmaciens.
Pour le SYNADIET, les perspectives d’évolution sont positives. Les compléments alimentaires aspirent à être de plus en plus naturels dans leur élaboration, fonctionnement physiologique et impact environnemental. À l’avenir, on va demander au consommateur d’être acteur et autonome, de prendre en charge sa santé.
Le laboratoire Nutrilys indique que les gens prennent conscience de la nécessité de parfois se supplémenter. Aujourd’hui, les consommateurs sont avertis et renseignés, ils demandent des réponses qualitatives et prouvées, mais aussi des labels et certifications. “Ils veulent de la qualité et de l’efficacité, c’est un mantra que nous nous devons de respecter : qualité, efficacité et transparence” précise Justine Lerond.
Pierre Beguerie soutient qu’aujourd’hui que de nouveaux moyens de distribution existent avec le digital. Un pharmacien peut créer un site internet et proposer une solution de facilité à ses patients. Néanmoins, l’expérience Covid-19 a montré que les gens avaient besoin de relations humaines.
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